Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)

Autores
Campora, Magdalena Teresa Maria
Año de publicación
2011
Idioma
francés
Tipo de recurso
artículo
Estado
versión publicada
Descripción
Le désir de Balzac de maîtriser l’œuvre et de fixer le corpus dans une forme par lui déterminée, en fonction d’unités qu’il a lui‑même pensées et définies (les Scènes, les Études) est bien connu ; cette organisation est non seulement structurelle, mais encore éditoriale : fort de son expérience d’éditeur, Balzac intervient sur la disposition, la typographie, la longueur, veut s’occuper même de la fourniture du papier et de l’impres‑ sion2 . Ce ferme exercice de la volonté auctoriale relève d’une vision particulière de ce que doit être l’œuvre dès qu’elle quitte la férule de l’auteur : « histoire du cœur humain » et « histoire générale de la société »3 , La Comédie humaine s’ins‑ crit selon l’« Avant‑propos » dans une téléologie et une dyna‑ mique interne qui ne sauraient être modifiées au moment de l’édition sans porter préjudice au projet entier de l’historien des mœurs. Certes, il importe moins ici de croire au fabuleux exercice rhétorique qui établit rétrospectivement une sévère cohérence, que de signaler le lien étroit tissé par Balzac entre édition matérielle, structure de l’œuvre et interprétation de La Comédie humaine comme diagnostic indivis de la société. Car c’est justement ce lien qui est bouleversé dans la récep‑ tion de Balzac en Argentine entre les années 1940 et 1950. Durant cette période de grande productivité éditoriale, la pre‑ mière de circulation massive et soutenue des romans balza‑ ciens en Argentine, la publication de certains titres devient une valeur sûre et la « tribu de sauvages si célèbres aux envi‑ rons de Buenos Aires » dont Gobseck avait cherché l’or4 se met à faire (un peu) d’or sur Balzac : six versions de El lirio en el valle [Le Lys dans la vallée] entre 1944 et 1949, cinq de Eugenia Grandet [Eugénie Grandet] à la même époque, cinq autres de La piel de zapa [La Peau de chagrin], auxquelles il faut ajouter des éditions et de nouvelles traductions de La prima Bette [La Cousine Bette], La Solterona [La Vieille Fille], El cura de Tours [Le Curé de Tours], La mujer de treinta años [La Femme de trente ans], Honorina [Honorine], La duquesa de Langeais [La Duchesse de Langeais] 5 . On le voit, à Paris comme à Buenos Aires, Balzac est un auteur que lisent les femmes, même si la forme éditoriale des publications argentines accentue sensi‑ blement la lecture de genre : esthétique de roman à l’eau de rose, inclusion dans des collections de « littérature féminine », choix privilégié de titres aux noms d’héroïne, transformation des textes en manuels descriptifs de « la vie parisienne » et de « la vie élégante ». Cette publication ciblée de La Comédie humaine modifie le projet exposé dans l’« Avant‑propos » tout en créant de nouveaux effets de lecture – ironique retourne‑ ment des choses pour l’écrivain qui a bataillé pour contrôler le sens en contrôlant l’édition et dont l’œuvre, lorsqu’elle est publiée ailleurs, sous d’autres formats et dans d’autres langues, s’en voit radicalement transformée. En même temps, et ce n’est pas là la moindre des contra‑ dictions de Balzac en Argentine, cette dilution éditoriale de l’œuvre est tempérée par l’affirmation constante de l’unité et de l’efficacité de La Comedia humana comme radiographie intégrale de la société, de ses mécanismes et ressorts occul‑ tes. Préfaciers, essayistes, traducteurs et éditeurs, souvent ano‑ nymes, suivent au pied de la lettre les instructions de lecture laissées par Balzac dans l’« Avant‑propos », au point de penser que le grand œuvre pourrait être utile à l’organisation politi‑ que et sociale d’un pays jeune comme l’est encore l’Argentine des années 1940. Aussi trouvera‑t‑on très tôt, autour de Balzac, des préfaces, des essais, des quatrièmes de couverture imbriquant le texte fictionnel dans des analyses plus ou moins poussées de modèles de société (balzacienne) à appliquer ou à éviter. La Comédie humaine comme traité politique et comme manuel du bien vivre : c’est de ces dimensions pragmatique et sapientielle de l’œuvre de Balzac en Argentine que nous voudrions ici nous occuper.
Fil: Campora, Magdalena Teresa Maria. Pontificia Universidad Católica Argentina "Santa María de los Buenos Aires". Facultad de Filosofía y Letras. Departamento de Letras; Argentina. Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas; Argentina
Materia
BALZAC
LITTERATURE COMPAREE
TRANSFORMATIONS EDITORIALES
ARGENTINE
Nivel de accesibilidad
acceso abierto
Condiciones de uso
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/ar/
Repositorio
CONICET Digital (CONICET)
Institución
Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas
OAI Identificador
oai:ri.conicet.gov.ar:11336/192521

id CONICETDig_204a5805dea1b3c8b61f8754084027ee
oai_identifier_str oai:ri.conicet.gov.ar:11336/192521
network_acronym_str CONICETDig
repository_id_str 3498
network_name_str CONICET Digital (CONICET)
spelling Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)Campora, Magdalena Teresa MariaBALZACLITTERATURE COMPAREETRANSFORMATIONS EDITORIALESARGENTINEhttps://purl.org/becyt/ford/6.2https://purl.org/becyt/ford/6Le désir de Balzac de maîtriser l’œuvre et de fixer le corpus dans une forme par lui déterminée, en fonction d’unités qu’il a lui‑même pensées et définies (les Scènes, les Études) est bien connu ; cette organisation est non seulement structurelle, mais encore éditoriale : fort de son expérience d’éditeur, Balzac intervient sur la disposition, la typographie, la longueur, veut s’occuper même de la fourniture du papier et de l’impres‑ sion2 . Ce ferme exercice de la volonté auctoriale relève d’une vision particulière de ce que doit être l’œuvre dès qu’elle quitte la férule de l’auteur : « histoire du cœur humain » et « histoire générale de la société »3 , La Comédie humaine s’ins‑ crit selon l’« Avant‑propos » dans une téléologie et une dyna‑ mique interne qui ne sauraient être modifiées au moment de l’édition sans porter préjudice au projet entier de l’historien des mœurs. Certes, il importe moins ici de croire au fabuleux exercice rhétorique qui établit rétrospectivement une sévère cohérence, que de signaler le lien étroit tissé par Balzac entre édition matérielle, structure de l’œuvre et interprétation de La Comédie humaine comme diagnostic indivis de la société. Car c’est justement ce lien qui est bouleversé dans la récep‑ tion de Balzac en Argentine entre les années 1940 et 1950. Durant cette période de grande productivité éditoriale, la pre‑ mière de circulation massive et soutenue des romans balza‑ ciens en Argentine, la publication de certains titres devient une valeur sûre et la « tribu de sauvages si célèbres aux envi‑ rons de Buenos Aires » dont Gobseck avait cherché l’or4 se met à faire (un peu) d’or sur Balzac : six versions de El lirio en el valle [Le Lys dans la vallée] entre 1944 et 1949, cinq de Eugenia Grandet [Eugénie Grandet] à la même époque, cinq autres de La piel de zapa [La Peau de chagrin], auxquelles il faut ajouter des éditions et de nouvelles traductions de La prima Bette [La Cousine Bette], La Solterona [La Vieille Fille], El cura de Tours [Le Curé de Tours], La mujer de treinta años [La Femme de trente ans], Honorina [Honorine], La duquesa de Langeais [La Duchesse de Langeais] 5 . On le voit, à Paris comme à Buenos Aires, Balzac est un auteur que lisent les femmes, même si la forme éditoriale des publications argentines accentue sensi‑ blement la lecture de genre : esthétique de roman à l’eau de rose, inclusion dans des collections de « littérature féminine », choix privilégié de titres aux noms d’héroïne, transformation des textes en manuels descriptifs de « la vie parisienne » et de « la vie élégante ». Cette publication ciblée de La Comédie humaine modifie le projet exposé dans l’« Avant‑propos » tout en créant de nouveaux effets de lecture – ironique retourne‑ ment des choses pour l’écrivain qui a bataillé pour contrôler le sens en contrôlant l’édition et dont l’œuvre, lorsqu’elle est publiée ailleurs, sous d’autres formats et dans d’autres langues, s’en voit radicalement transformée. En même temps, et ce n’est pas là la moindre des contra‑ dictions de Balzac en Argentine, cette dilution éditoriale de l’œuvre est tempérée par l’affirmation constante de l’unité et de l’efficacité de La Comedia humana comme radiographie intégrale de la société, de ses mécanismes et ressorts occul‑ tes. Préfaciers, essayistes, traducteurs et éditeurs, souvent ano‑ nymes, suivent au pied de la lettre les instructions de lecture laissées par Balzac dans l’« Avant‑propos », au point de penser que le grand œuvre pourrait être utile à l’organisation politi‑ que et sociale d’un pays jeune comme l’est encore l’Argentine des années 1940. Aussi trouvera‑t‑on très tôt, autour de Balzac, des préfaces, des essais, des quatrièmes de couverture imbriquant le texte fictionnel dans des analyses plus ou moins poussées de modèles de société (balzacienne) à appliquer ou à éviter. La Comédie humaine comme traité politique et comme manuel du bien vivre : c’est de ces dimensions pragmatique et sapientielle de l’œuvre de Balzac en Argentine que nous voudrions ici nous occuper.Fil: Campora, Magdalena Teresa Maria. Pontificia Universidad Católica Argentina "Santa María de los Buenos Aires". Facultad de Filosofía y Letras. Departamento de Letras; Argentina. Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas; ArgentinaPresses Universitaires de France2011-03info:eu-repo/semantics/articleinfo:eu-repo/semantics/publishedVersionhttp://purl.org/coar/resource_type/c_6501info:ar-repo/semantics/articuloapplication/pdfapplication/pdfhttp://hdl.handle.net/11336/192521Campora, Magdalena Teresa Maria; Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950); Presses Universitaires de France; L'Année balzacienne; 2011; 12; 3-2011; 491-5180084-64731969-6752CONICET DigitalCONICETfrainfo:eu-repo/semantics/altIdentifier/url/https://www.cairn.info/revue-l-annee-balzacienne-2011-1-page-491.htminfo:eu-repo/semantics/openAccesshttps://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/ar/reponame:CONICET Digital (CONICET)instname:Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas2025-10-15T14:35:31Zoai:ri.conicet.gov.ar:11336/192521instacron:CONICETInstitucionalhttp://ri.conicet.gov.ar/Organismo científico-tecnológicoNo correspondehttp://ri.conicet.gov.ar/oai/requestdasensio@conicet.gov.ar; lcarlino@conicet.gov.arArgentinaNo correspondeNo correspondeNo correspondeopendoar:34982025-10-15 14:35:31.488CONICET Digital (CONICET) - Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicasfalse
dc.title.none.fl_str_mv Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
title Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
spellingShingle Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
Campora, Magdalena Teresa Maria
BALZAC
LITTERATURE COMPAREE
TRANSFORMATIONS EDITORIALES
ARGENTINE
title_short Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
title_full Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
title_fullStr Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
title_full_unstemmed Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
title_sort Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950)
dc.creator.none.fl_str_mv Campora, Magdalena Teresa Maria
author Campora, Magdalena Teresa Maria
author_facet Campora, Magdalena Teresa Maria
author_role author
dc.subject.none.fl_str_mv BALZAC
LITTERATURE COMPAREE
TRANSFORMATIONS EDITORIALES
ARGENTINE
topic BALZAC
LITTERATURE COMPAREE
TRANSFORMATIONS EDITORIALES
ARGENTINE
purl_subject.fl_str_mv https://purl.org/becyt/ford/6.2
https://purl.org/becyt/ford/6
dc.description.none.fl_txt_mv Le désir de Balzac de maîtriser l’œuvre et de fixer le corpus dans une forme par lui déterminée, en fonction d’unités qu’il a lui‑même pensées et définies (les Scènes, les Études) est bien connu ; cette organisation est non seulement structurelle, mais encore éditoriale : fort de son expérience d’éditeur, Balzac intervient sur la disposition, la typographie, la longueur, veut s’occuper même de la fourniture du papier et de l’impres‑ sion2 . Ce ferme exercice de la volonté auctoriale relève d’une vision particulière de ce que doit être l’œuvre dès qu’elle quitte la férule de l’auteur : « histoire du cœur humain » et « histoire générale de la société »3 , La Comédie humaine s’ins‑ crit selon l’« Avant‑propos » dans une téléologie et une dyna‑ mique interne qui ne sauraient être modifiées au moment de l’édition sans porter préjudice au projet entier de l’historien des mœurs. Certes, il importe moins ici de croire au fabuleux exercice rhétorique qui établit rétrospectivement une sévère cohérence, que de signaler le lien étroit tissé par Balzac entre édition matérielle, structure de l’œuvre et interprétation de La Comédie humaine comme diagnostic indivis de la société. Car c’est justement ce lien qui est bouleversé dans la récep‑ tion de Balzac en Argentine entre les années 1940 et 1950. Durant cette période de grande productivité éditoriale, la pre‑ mière de circulation massive et soutenue des romans balza‑ ciens en Argentine, la publication de certains titres devient une valeur sûre et la « tribu de sauvages si célèbres aux envi‑ rons de Buenos Aires » dont Gobseck avait cherché l’or4 se met à faire (un peu) d’or sur Balzac : six versions de El lirio en el valle [Le Lys dans la vallée] entre 1944 et 1949, cinq de Eugenia Grandet [Eugénie Grandet] à la même époque, cinq autres de La piel de zapa [La Peau de chagrin], auxquelles il faut ajouter des éditions et de nouvelles traductions de La prima Bette [La Cousine Bette], La Solterona [La Vieille Fille], El cura de Tours [Le Curé de Tours], La mujer de treinta años [La Femme de trente ans], Honorina [Honorine], La duquesa de Langeais [La Duchesse de Langeais] 5 . On le voit, à Paris comme à Buenos Aires, Balzac est un auteur que lisent les femmes, même si la forme éditoriale des publications argentines accentue sensi‑ blement la lecture de genre : esthétique de roman à l’eau de rose, inclusion dans des collections de « littérature féminine », choix privilégié de titres aux noms d’héroïne, transformation des textes en manuels descriptifs de « la vie parisienne » et de « la vie élégante ». Cette publication ciblée de La Comédie humaine modifie le projet exposé dans l’« Avant‑propos » tout en créant de nouveaux effets de lecture – ironique retourne‑ ment des choses pour l’écrivain qui a bataillé pour contrôler le sens en contrôlant l’édition et dont l’œuvre, lorsqu’elle est publiée ailleurs, sous d’autres formats et dans d’autres langues, s’en voit radicalement transformée. En même temps, et ce n’est pas là la moindre des contra‑ dictions de Balzac en Argentine, cette dilution éditoriale de l’œuvre est tempérée par l’affirmation constante de l’unité et de l’efficacité de La Comedia humana comme radiographie intégrale de la société, de ses mécanismes et ressorts occul‑ tes. Préfaciers, essayistes, traducteurs et éditeurs, souvent ano‑ nymes, suivent au pied de la lettre les instructions de lecture laissées par Balzac dans l’« Avant‑propos », au point de penser que le grand œuvre pourrait être utile à l’organisation politi‑ que et sociale d’un pays jeune comme l’est encore l’Argentine des années 1940. Aussi trouvera‑t‑on très tôt, autour de Balzac, des préfaces, des essais, des quatrièmes de couverture imbriquant le texte fictionnel dans des analyses plus ou moins poussées de modèles de société (balzacienne) à appliquer ou à éviter. La Comédie humaine comme traité politique et comme manuel du bien vivre : c’est de ces dimensions pragmatique et sapientielle de l’œuvre de Balzac en Argentine que nous voudrions ici nous occuper.
Fil: Campora, Magdalena Teresa Maria. Pontificia Universidad Católica Argentina "Santa María de los Buenos Aires". Facultad de Filosofía y Letras. Departamento de Letras; Argentina. Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas; Argentina
description Le désir de Balzac de maîtriser l’œuvre et de fixer le corpus dans une forme par lui déterminée, en fonction d’unités qu’il a lui‑même pensées et définies (les Scènes, les Études) est bien connu ; cette organisation est non seulement structurelle, mais encore éditoriale : fort de son expérience d’éditeur, Balzac intervient sur la disposition, la typographie, la longueur, veut s’occuper même de la fourniture du papier et de l’impres‑ sion2 . Ce ferme exercice de la volonté auctoriale relève d’une vision particulière de ce que doit être l’œuvre dès qu’elle quitte la férule de l’auteur : « histoire du cœur humain » et « histoire générale de la société »3 , La Comédie humaine s’ins‑ crit selon l’« Avant‑propos » dans une téléologie et une dyna‑ mique interne qui ne sauraient être modifiées au moment de l’édition sans porter préjudice au projet entier de l’historien des mœurs. Certes, il importe moins ici de croire au fabuleux exercice rhétorique qui établit rétrospectivement une sévère cohérence, que de signaler le lien étroit tissé par Balzac entre édition matérielle, structure de l’œuvre et interprétation de La Comédie humaine comme diagnostic indivis de la société. Car c’est justement ce lien qui est bouleversé dans la récep‑ tion de Balzac en Argentine entre les années 1940 et 1950. Durant cette période de grande productivité éditoriale, la pre‑ mière de circulation massive et soutenue des romans balza‑ ciens en Argentine, la publication de certains titres devient une valeur sûre et la « tribu de sauvages si célèbres aux envi‑ rons de Buenos Aires » dont Gobseck avait cherché l’or4 se met à faire (un peu) d’or sur Balzac : six versions de El lirio en el valle [Le Lys dans la vallée] entre 1944 et 1949, cinq de Eugenia Grandet [Eugénie Grandet] à la même époque, cinq autres de La piel de zapa [La Peau de chagrin], auxquelles il faut ajouter des éditions et de nouvelles traductions de La prima Bette [La Cousine Bette], La Solterona [La Vieille Fille], El cura de Tours [Le Curé de Tours], La mujer de treinta años [La Femme de trente ans], Honorina [Honorine], La duquesa de Langeais [La Duchesse de Langeais] 5 . On le voit, à Paris comme à Buenos Aires, Balzac est un auteur que lisent les femmes, même si la forme éditoriale des publications argentines accentue sensi‑ blement la lecture de genre : esthétique de roman à l’eau de rose, inclusion dans des collections de « littérature féminine », choix privilégié de titres aux noms d’héroïne, transformation des textes en manuels descriptifs de « la vie parisienne » et de « la vie élégante ». Cette publication ciblée de La Comédie humaine modifie le projet exposé dans l’« Avant‑propos » tout en créant de nouveaux effets de lecture – ironique retourne‑ ment des choses pour l’écrivain qui a bataillé pour contrôler le sens en contrôlant l’édition et dont l’œuvre, lorsqu’elle est publiée ailleurs, sous d’autres formats et dans d’autres langues, s’en voit radicalement transformée. En même temps, et ce n’est pas là la moindre des contra‑ dictions de Balzac en Argentine, cette dilution éditoriale de l’œuvre est tempérée par l’affirmation constante de l’unité et de l’efficacité de La Comedia humana comme radiographie intégrale de la société, de ses mécanismes et ressorts occul‑ tes. Préfaciers, essayistes, traducteurs et éditeurs, souvent ano‑ nymes, suivent au pied de la lettre les instructions de lecture laissées par Balzac dans l’« Avant‑propos », au point de penser que le grand œuvre pourrait être utile à l’organisation politi‑ que et sociale d’un pays jeune comme l’est encore l’Argentine des années 1940. Aussi trouvera‑t‑on très tôt, autour de Balzac, des préfaces, des essais, des quatrièmes de couverture imbriquant le texte fictionnel dans des analyses plus ou moins poussées de modèles de société (balzacienne) à appliquer ou à éviter. La Comédie humaine comme traité politique et comme manuel du bien vivre : c’est de ces dimensions pragmatique et sapientielle de l’œuvre de Balzac en Argentine que nous voudrions ici nous occuper.
publishDate 2011
dc.date.none.fl_str_mv 2011-03
dc.type.none.fl_str_mv info:eu-repo/semantics/article
info:eu-repo/semantics/publishedVersion
http://purl.org/coar/resource_type/c_6501
info:ar-repo/semantics/articulo
format article
status_str publishedVersion
dc.identifier.none.fl_str_mv http://hdl.handle.net/11336/192521
Campora, Magdalena Teresa Maria; Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950); Presses Universitaires de France; L'Année balzacienne; 2011; 12; 3-2011; 491-518
0084-6473
1969-6752
CONICET Digital
CONICET
url http://hdl.handle.net/11336/192521
identifier_str_mv Campora, Magdalena Teresa Maria; Une grande image du présent. Balzac lecteur imprévu de l'Argentine (1940-1950); Presses Universitaires de France; L'Année balzacienne; 2011; 12; 3-2011; 491-518
0084-6473
1969-6752
CONICET Digital
CONICET
dc.language.none.fl_str_mv fra
language fra
dc.relation.none.fl_str_mv info:eu-repo/semantics/altIdentifier/url/https://www.cairn.info/revue-l-annee-balzacienne-2011-1-page-491.htm
dc.rights.none.fl_str_mv info:eu-repo/semantics/openAccess
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/ar/
eu_rights_str_mv openAccess
rights_invalid_str_mv https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/ar/
dc.format.none.fl_str_mv application/pdf
application/pdf
dc.publisher.none.fl_str_mv Presses Universitaires de France
publisher.none.fl_str_mv Presses Universitaires de France
dc.source.none.fl_str_mv reponame:CONICET Digital (CONICET)
instname:Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas
reponame_str CONICET Digital (CONICET)
collection CONICET Digital (CONICET)
instname_str Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas
repository.name.fl_str_mv CONICET Digital (CONICET) - Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas
repository.mail.fl_str_mv dasensio@conicet.gov.ar; lcarlino@conicet.gov.ar
_version_ 1846082815198756864
score 13.22299